Appel à réhumaniser la société

Depuis son apparition sur Terre, l’être humain s’est toujours employé à améliorer sa condition matérielle et à créer des machines pour se soulager des tâches les plus pénibles sur le plan physique ou intellectuel. Il s’est écoulé plusieurs millénaires entre l’invention de la roue et celle de l’automobile, moins d’un siècle entre celle de l’automobile et celle de l’ordinateur, et quelques décennies entre celle de l’ordinateur et celle du plus sophistiqué des smartphones, lesquels se perfectionnent continuellement. Dire que la créativité de l’homme n’a cessé de s’accélérer en matière de technologie est un euphémisme.

Comme beaucoup, je profite de ce que la technologie m’offre au quotidien, et j’admire à travers elle le génie créateur de l’être humain. Mais sans vouloir paraître rétrograde ou “rabat-joie”, il me semble que son évolution s’est faite trop rapidement, et surtout beaucoup plus rapidement que celle des consciences. C’est ainsi qu’il existe de nos jours un très grand décalage entre ce que la technologie rend possible et l’usage que l’humanité en fait, à tel point que celle-ci est aujourd’hui capable de s’autodétruire sous l’effet de ses instincts les plus destructeurs. De mon point de vue, l’énergie nucléaire (civile et militaire) en est l’exemple même. Entre les centrales et les armes, elle a de quoi détruire toute forme de vie sur Terre.

Les machines et les robots contribuent à déshumaniser la société

Alors qu’elle était censée aider l’homme dans les tâches les plus difficiles et les plus pénibles, la technologie en est venue progressivement à le remplacer dans des domaines où cela n’était ni utile ni nécessaire, et ce, afin de réaliser toujours plus de profits sur le plan financier. C’est ainsi que de nombreux secteurs de l’activité humaine sont en proie à une machinisation et une robotisation effrénées, tendance qui va continuer de croître et de se généraliser dans le monde entier. Outre le fait que des machines et des robots en tous genres prennent de plus en plus la place des êtres humains, ils contribuent à déshumaniser la société et à la priver de l’essentiel : le contact physique entre individus.

De mon point de vue, la robotisation devrait aider l’être humain dans ses activités, mais ne jamais le remplacer. À titre d’exemples, on ne peut qu’approuver que ce soit désormais des robots qui retirent des fours le métal en fusion, manipulent des produits toxiques, exécutent des tâches avilissantes ou très pénibles, etc. Mais que ce soit un humanoïde qui prenne les commandes et serve les plats dans un restaurant, qui se substitue à un caissier ou une caissière dans un grand magasin, qui accueille les passagers sur le quai d’une gare, qui tienne compagnie à un enfant, qui enseigne dans une classe, etc. ne me paraît pas une bonne chose. En règle générale, cette robotisation excessive n’a pas d’autre but que de faire plus de profit, au détriment des personnes ainsi remplacées.

La “haute” technologie pose également problème. Elle aussi évolue beaucoup trop rapidement, à tel point que tel ordinateur, tablette ou smartphone, est “dépassé” avant même que l’on en maîtrise l’usage. À grand renfort de publicité, on nous vante les prouesses et les performances de telle nouvelle version. Malheureusement, cette forme de manipulation fonctionne, et nombre de personnes, toutes générations confondues, se sentent obligées d’être en possession du “dernier modèle”. On en est venu à s’extasier devant un smartphone connecté à la brosse à dents et autres “applications” vraiment superflues. Dans le domaine de l’automobile, on fait la promotion de voitures “suréquipées”, alors qu’il est avéré que la majorité des conducteurs n’utilisent qu’un nombre très limité d’options, soit parce qu’ils n’en voient pas l’intérêt, soit parce qu’ils n’en comprennent pas le fonctionnement.

« La technologie est devenue un vecteur de discrimination »

Je pense que la technologie en général est devenue trop envahissante, au point que nous en sommes désormais totalement dépendants. De plus, sa sophistication croissante vire à une “gadgétisation” qui tend à nous “robotiser” nous-mêmes. À titre d’exemple, certaines personnes se sont fait greffer dans le bras des puces électroniques qui, le matin, déclenchent l’allumage de la lumière dans la cuisine, mettent en marche la cafetière, réactivent le radiateur électrique, etc. À l’inverse, de plus en plus de personnes, notamment parmi les plus âgées, se sentent “déconnectées” du monde actuel et éprouvent de grandes difficultés à accéder à des services désormais informatisés et robotisés. C’est ainsi que prendre un billet de train est devenu pour elles un ”parcours du combattant”. Vue sous cet angle, la technologie est devenue un vecteur de discrimination.

Ce que l’on désigne sous le nom d’« intelligence artificielle » ne cesse également de se développer et de s’introduire dans de plus en plus de secteurs de l’activité humaine. Personnellement, j’ai des difficultés à comprendre comment un ensemble de fils, de connexions, de puces électroniques, de microprocesseurs, de circuits imprimés, de réseaux quantiques, de synapses artificielles, etc., sont capables de générer une intelligence, comme le cerveau le fait au moyen des milliards de neurones et de connexions qui le composent. De ce point de vue, j’admire l’aptitude des informaticiens et autres techniciens à concevoir des logiciels et des machines capables de “penser” et de prendre des “initiatives”. C’est là une preuve du génie dont l’homme est capable sur le plan matériel.

Les dangers de l’intelligence artificielle

Mais si j’admire la performance intellectuelle et technologique qui sous-tend l’existence de l’intelligence artificielle, je suis très dubitatif sur l’usage qui en est fait, et plus encore sur celui que l’on en fera dans le futur. Capable de créer du contenu (en littérature, en musique, en sculpture, en rédaction, en audiovisuel, etc.), elle aussi en est venue à remplacer l’être humain, ce qui risque d’accroître le chômage dans certains secteurs professionnels, manuels comme intellectuels. Pire encore selon moi, l’intelligence artificielle est désormais capable de se substituer à nous, c’est-à-dire de prendre forme humaine à travers des avatars et de parler comme nous le faisons, quasiment sans “accent” et dans toutes les langues. Voir et entendre telle personne (célèbre ou non) sur un écran de télévision, d’ordinateur ou de smartphone ne garantit plus que c’est bien d’elle dont il s’agit. De toute évidence, cela ouvre la porte à toutes les impostures.

Comme cela a été mis en évidence dans certains films de science-fiction, le plus grand danger que présente l’intelligence artificielle est sa capacité probable à penser un jour par elle-même et à vouloir décider à la place des êtres humains, voire à supprimer certains d’entre eux selon des critères eugénistes ou autres. C’est peut-être ce qui a fait dire à Stephen Hawking, ce grand astrophysicien décédé le 14 mars 2018 : « Parvenir à créer des intelligences artificielles serait le plus grand accomplissement de l’histoire. Malheureusement, il pourrait s’agir du dernier, à moins que nous apprenions à éviter les risques. » D’autres scientifiques éminents ont exprimé leurs craintes à ce sujet, ce qui a abouti en 2017 à la rédaction d’un document intitulé « Les 23 principes d’Asilomar », charte éthique censée encadrer l’usage de l’intelligence artificielle. De toute évidence, il y a urgence à réguler son utilisation et même à légiférer.

Assurément , l’humanité est à la croisée des chemins. Si elle ne réagit pas, il me semble évident que la technologie et l’intelligence artificielle vont progressivement se substituer à nous, ce qui aura pour conséquence de déshumaniser la société et de la scléroser. Le monde se réduira alors à des êtres humains asservis aux machines et aux robots en tous genres. Nous cohabiterons avec des androïdes et autres cyborgs. Personnellement, une telle perspective ne me séduit aucunement, car elle laisse entrevoir un monde à venir sans âme, une “transhumanité” qui fera le bonheur des transhumanistes, et le malheur de ceux et celles qui auraient souhaité rester maîtres de leur vie et de leur destin.

Si cet appel vous semble fondé, je vous invite à le partager avec qui bon vous semble, et à prendre vis-à-vis de vous-même l’engagement suivant : « Conscient(e) que le monde est en voie de déshumanisation, je m’engage à résister à la robotisation excessive qui envahit nos vies et met l’humanité elle-même en danger ».

Avec mes pensées les plus humaines.

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