Définition du mot « théocratie »
Sur le plan étymologique, le mot «théocratie» veut dire littéralement «gouvernement de Dieu». On doit ce terme à Flavius Joseph, historien juif du premier siècle de notre ère. Il pensait en effet que c’est Dieu qui gouverne le monde et le mène où Il veut, sans pour autant récuser la nécessité, pour les hommes, d’être dirigés par des politiques. Cette idée fut reprise au IIe siècle par Lactance, pour qui l’évolution générale de l’humanité était conditionnée par la Divine Providence. Beaucoup plus tard, Calvin et Spinoza prôneront également ce principe de Gouvernance divine, selon lequel « les hommes proposent et Dieu dispose ».
L’origine de la laïcité
Mais au début du XXe siècle, le mot «théocratie» en est venu à être utilisé, non plus uniquement pour désigner l’influence que Dieu est censé exercer sur le devenir de l’humanité, mais également et même surtout pour exprimer l’idée selon laquelle il est souhaitable de mettre en place un gouvernement formé par des religieux. Dans certains pays, ce risque de dérive théocratique amena des penseurs et des législateurs, parmi lesquels des politiques, à demander qu’une distinction soit faite entre les affaires de l’Église et celles de l’État. Autrement dit, il fut plus ou moins à l’origine de ce que l’on appelle couramment la «laïcité», promulguée officiellement en France en 1905.
« Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »
Au risque de vous étonner, on peut considérer que le premier laïc de l’Histoire ne fut autre que Jésus. Lorsqu’il déclara : « Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », n’était-ce pas, entre autres, une manière de distinguer ce qui est du ressort du pouvoir temporel (la politique) de ce qui appartient au pouvoir spirituel (la religion) ? Toujours est-il qu’il n’a jamais laissé entendre que les peuples devaient être gouvernés par des religieux, pas même par des membres du clergé juif qu’il aurait pu juger capables d’assumer ce rôle. Certes, il prôna l’avènement du «royaume des cieux» sur Terre, mais au sens de mener individuellement une vie spirituelle, fondée sur les valeurs humanistes que lui-même enseigna.
L’Ordre de la Rose-Croix est opposé à la théocratie
Bien que l’Ordre de la Rose-Croix soit spiritualiste, il est défavorable à tout gouvernement théocratique, car ses responsables pensent que la vie en société ne doit pas être régie par des règles religieuses, ne serait-ce que parce que tout citoyen a la liberté d’être athée ou agnostique. Par ailleurs, à quelle religion ces règles se rattacheraient-elles ? Au Christianisme (lequel) ? Au Judaïsme (lequel) ? À l’Islam (lequel) ? Pour des raisons que chacun devrait comprendre, une telle perspective aurait nécessairement des visées hégémoniques et prosélytes, fondées sur la soumission des citoyens à des dogmes inadaptés au monde actuel.
« Une vie empreinte de spiritualité »
Bien qu’étant favorables à la laïcité, laquelle rend impossible toute théocratie (sans pour autant, en principe, mettre en cause la liberté de croyance), les Rose-Croix espèrent néanmoins que les êtres humains, à titre personnel, en viendront dans un proche avenir à mener une vie empreinte, non pas de religiosité, mais de spiritualité. Ils pensent en effet que la société est devenue beaucoup trop matérialiste, ce qui explique en grande partie la crise existentielle à laquelle le monde est confronté et les problèmes qu’elle génère dans de nombreux domaines.
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La théocratie est certainement la forme de gouvernement la plus redoutable, parce qu’elle est dogmatique et peut se présenter sous de multiples formes. En ce sens, on peut considérer que la théocratie est plus “fourbe” qu’un régime explicitement religieux, car elle possède la capacité de se fondre et de se cacher dans n’importe qu’elle idéologie, voire même dans nos républiques “laïques”.
Les temps troublés que nous vivons actuellement représentent d’ailleurs une aubaine pour ce genre de courant, et il appartient à chacun de nous de rester attentif à toute forme de dérive, afin de ne pas se laisser happer par des idéologies qui nous empêcheraient d’avancer sur le chemin.
Quelle que soit la forme qui précède ‘-cratie’, elle fait effectivement appel à la gouvernance et de ce fait à l’autorité et bien trop souvent au pouvoir. Ceci n’est pas négatif en soi, car la nature en général et la nature humaine plus particulièrement, en son évolution actuelle, est effectivement encore dans une phase qui nécessite une hiérarchie et une gouvernance.
Le hic est que tant que l’humanité n’aura pas atteint le ‘Summum Bonum’, il y aura des êtres en chemin qui attendent de trouver ce dirigeant ou ce gouverneur qui leur dira et montrera qui faire et comment. En contrepartie, il y aura aussi des dirigeants en chemin qui se feront non pas la joie de pouvoir guider l’humanité vers un but plus lumineux, mais qui verront l’opportunité de prendre le pouvoir afin de caresser leur égo, quelle que soit la forme de ‘-cratie’. C’est d’autant plus paradoxal que certains prétendent pouvoir prendre cette gouvernance au nom de Dieu et c’est bien triste de voir que sont encore nombreux les êtres humains qui s’abaissent aveuglement, par le manque de connaissance, devant ce type de gouvernance abusive; sans compter ceux qui sont pris au piège dans certaines parties du monde ou les ‘théocrates’ font la loi au quotidien.
Le Sacré et notre lien avec Dieu nous concernent tous et en toute liberté nous sommes les seuls à pouvoir gouverner ce lien à l’intérieur de nous-mêmes et à l’extérieur. Tout comme le ciel et la terre sont indissociables, la théocratie ne peut pas nous inculquer telle ou telle vision ou mode de vie, ni la démocratie ou autre forme de ‘-cratie’ nous indiquer ce à quoi nous devons adhérer ou pas sur le plan spirituel. Si nous sommes conscients de ce lien sacré avec Dieu, il est naturel pour chacun de nous comporter en tant que des êtres responsables, de s’aider et d’aider autrui. Car tout en cet univers est interdépendant. Le jour viendra ou les ‘-craties’ ne seront plus utiles, car chaque être aura compris que ce qui nous libère est l’amour, l’entraide, le mutualisme sans aucune distinction de croyance, car je pense que la spiritualité lie tout le monde et la religiosité divise. La spiritualité puise à la Source et la religiosité, de par ses interprétations figées, rapporte une image déformée de la Source, même si les religions sont nées avec de bonnes intentions.
Beaucoup d’écrivains et philosophes ont décrit des sociétés dites ‘utopistes’. Pourtant, au fond de moi-même, je me dis qu’un jour viendra où ces sociétés seront ‘réalistes’, car ce qui est imaginable existe quelque part. Si nous pouvons l’imaginer, c’est à nous individuellement et collectivement ou fraternellement de le construire.
La théocratie ne peut s’exercer sans qu’il y ait un risque continuel de dérive intégriste ou dogmatique. Qui peut en effet, prétendre connaître la « Volonté divine » ? (ce qui déjà est en soi une vision très anthropomorphique de Dieu). Il suffit de prendre l’exemple d’une religion et de voir combien d’orientations morales ou spirituelles différentes sont tirées d’un seul et même texte par l’exercice de la théologie. C’est d’ailleurs ce qui est en partie à l’origine des guerres de religion.
Une gouvernance est basée sur des textes de lois qui évoluent avec les pratiques de la société au fil du temps. Or, les textes religieux ont été rédigés il y a des millénaires, comme le souligne le Grand Maître dans sa publication, et n’ont jamais été amendés. Les références humaines, sociétales, culturelles, et a fortiori religieuses, ont été totalement bouleversées depuis et ne correspondent plus globalement à la communauté humaine. Par exemple, la lapidation est choquante et inacceptable de nos jours, et c’est heureux. Elle fut pourtant considérée pendant des siècles comme l’expression normale d’une sentence divine à cause de l’interprétation littérale des textes sacrés. Si une théocratie venait à se mettre en place, devrions-nous réinstaurer cette pratique venue d’un autre âge ?
Tout comme le Grand Maître de l’AMORC, je pense que distinguer la religion du pouvoir temporel est une nécessité, mais qu’il est aussi nécessaire de garantir la liberté de croyance et de culte, tant que celle-ci naturellement ne porte pas atteinte la dignité humaine et qu’elle vise à encourager le meilleur en tout être.
J’ai lu ce texte de Mr Toussaint avec joie, car il reflète la mesure et la justesse dont il fait toujours preuve, par ailleurs.
Vraiment intéressant ! Ce texte soulève l’image du bonheur acquis par la liberté. Libre de croire, libre de penser, libre de connaître… Chacun, au final, peut faire de sa vie une théocratie, et au niveau qui lui convient se mettre sous la gouverne de Dieu, tel qu’il le conçoit.
La théocratie amène à des dérives religieuses comme le souligne Serge Toussaint.
Aujourd’hui, la démocratie dans un état laïc est certainement la meilleure forme de gouvernement, car elle garantit la possibilité d’exercer sa pensée critique.
Cependant, les dirigeants, pour exercer leur fonction, devraient être choisis parmi les individus ayant le plus de qualités humaines et éthiques, afin de conduire les peuples avec sagesse et spiritualité (et non religiosité).
A une époque lointaine dans le passé, cette forme de gouvernement a eu sa raison d’être dans certaines régions du monde. C’était même vital pour une meilleure organisation des « tâches » (…), puisque la plupart de ces régions étaient des monarchies.
Aujourd’hui, bien que les monarchies aient toujours leur raison d’exister (pérennité de l’histoire mais aussi sauvegarde de ce patrimoine culturel), elles n’ont plus de lien avec la théocratie dont toute tentative d’instauration serait illusoire dans notre « monde » actuel. Le réalisme reste l’attitude à adopter.
Antoine St-Exupéry a dit dans » Le petit prince » » Je suis responsable de ma rose… » » On ne voit bien qu’avec le coeur… » » L’essentiel est invisible pour les yeux… » Ce que cela veut dire pour moi c’est que la spiritualité de chaque être humain est essentielle pour la bonne marche de notre vie et celle des autres. La spiritualité individuelle et sa conscience divine nous amènent à vivre avec les autres dans le respect des différents points de vue sur des sujets variés, ce qui pour moi me donne l’espoir en une vie meilleure. Du peu de ma connaissance, la théocratie m’apparaît une notion un peu étrange, loin de la libre expression d’un peuple. Par contre la laïcité, telle que définit par m. Toussaint, révèle une sagesse qui m’incite à la joie, l’amour et la lumière. Pourquoi ? Parce qu’elle revêt la tolérance vis-à-vis nos sœurs et nos frères humains sur le grand sentier de la spiritualité.
En son temps Platon jugeait la République supérieure à la Démocratie. Relisons sa « République ».
Rappelons-nous aussi que Monsieur Malraux, républicain fût-il, a fait savoir en son temps que le vingt et unième siècle serait spirituel ou ne serait pas.
Je suis tout à fait d’accord avec votre exposé sur la spiritualité et la théocratie. Il me semble qu’une forme de théocratie qui soit sans danger pour la liberté des hommes et des femmes est la gouvernance de leur propre vie par ce qui est plus élevé en chacun de nous: l’âme et la voix de la conscience qui, à condition qu’elles soient bien identifiées pour ce qu’elles sont, jamais n’imposeront à quiconque une vision qu’au départ ils n’auront librement consenti. Peut-être est-ce là le but visé par la vraie spiritualité. Malheureusement et trop souvent, les tyrans se cachent derrière l’argument de la religion pour promouvoir une pseudo-théocratie qui n’est qu’en définitive qu’un contrôle des consciences.
L’Egypte antique et d’autres contrées avaient une forme de théocratie. Cela n’a pas marché puisque les dirigeants n’avaient pas suffisamment de vertus et les qualités requises pour un gouvernement irréprochable placé sous les auspices de la Sagesse divine. Il faudra attendre davantage de personnalités ayant ces vertus et qualités pour instituer le Gouvernement mondial au service du bien dans un monde plus » spirituel » gouverné par des sages véritables.
Depuis tous les temps, l’humanité a lutté pour la réalisation d’une société idéale, mais du fait des erreurs commises par les dirigeants, cela n’a pu aboutir. Il faut s’efforcer à faire prévaloir cet idéal. Les enseignements de Martinez de Pasqually dans le Martinisme procurent les idées donnant à l’homme un espoir satisfaisant de s’unir au Créateur, dont le Grand Oeuvre est la spiritualisation de l’humanité individuellement et collectivement, puis sa réintégration divine. Dans l’actualité, la démocratie me semble pour l’instant correspondre à l’idéal de gouvernement consenti par le peuple. Cordialement.
Pour ma part j’opte également pour la réflexion de Jésus, qui soutient en effet un pouvoir laïc. Je pense que sa déclaration se référait aussi à la dualité incluant l’aspect matériel et spirituel de notre être et l’objectif de trouver au niveau personnel et collectif le juste milieu ou la juste proportion. Ainsi il me semble important qu’un gouvernement ou une politique représente et travaille ses intérêts matériels sur le plan national et international dans un esprit humaniste. Un premier pas serait certainement d’assumer le respect et l’application des droits de l’homme ainsi que d’appliquer les vertus reconnues par la majorité de la population globale, ce qui devrait donc se refléter dans ses conceptions, ses négociations et ses actions. Dès lors, un tel gouvernement agirait constructivement sous l’égide d’un premier rayon de lumière nommé … liberté, égalité, fraternité, paix… et permettrait un jour à la spiritualité de devenir son partenaire.
Ainsi il est important de s’ouvrir et de travailler à son évolution spirituelle afin d’atteindre cet objectif et de contribuer à une nouvelle humanité, une humanité en harmonie avec les lois spirituelles et naturelles, reflétant la Grande Lumière sur Terre sur le plan individuel et collectif. N’oublions pas que nos représentants (gouvernement) sont notre miroir, et si nous les voulons humanistes et spiritualistes, nous devons d’abord le devenir nous-mêmes.
Cordialement.
A mon avis, la théocratie s’ instaurera lorsque la conscience collective de l’ humanité sera en parfaite harmonie avec la Conscience cosmique, en vue de réaliser la raison profonde de notre existence: nous aimer les uns les autres comme Dieu nous aime. Ce jour-là, les religions auront probablement déjà cessé d’ exister pour ne céder la place qu’ à la spiritualité.
La démocratie est définie comme le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Dans cette forme de gouvernement des Etats, bien que cette conception soit belle et apparemment satisfaisante, ne referme-t-elle pas des faiblesses inavouées ? La majorité a t-elle toujours raison ? Quant à la théocratie, telle que définie dans ce texte inspirant de Mr Toussaint? ne me semble pas convenable à ce stade de l’évolution de cette humanité matérialiste. Par contre, imaginons une humanité devenue spiritualiste au sens le plus noble de ce terme (non pas religieuse) et profondément humaniste. je pense pour ma part que la théocratie pourrait prendre tout sens. A ce moment là, j’émettrai le vœu que toutes les nations de ce monde soient dirigées théocratiquement. Je pense que si ce moment espéré voyait le jour, alors la théocratie comme gouvernement du peuple par les plus sages parmi des êtres évolués serait une nécessité.
Cette forme de gouvernement d’une humanité devenue humaniste et spiritualiste conviendrait à mon sens à tous et à chacun, car les gouvernants d’une telle théocratie n’abuseraient jamais de leur position, de leur pouvoir et de leur position privilégiée, comme c’est le cas hélas de nos jours sous tous les cieux, même s’il faut reconnaître que des efforts ici et là sont faits mais encore minimes. Par ailleurs, les gouvernés d’une telle théocratie seraient satisfaits de leurs gouvernants et les prendraient comme de véritables dirigeants représentant un sage gouvernement ou un gouvernement sage, dénué de tout abus de pouvoir.
A cette sorte de théocratie, je prie Dieu pour qu’elle voit le jour quand les hommes auront compris que la spiritualité est la réalité et que la matérialité est l’illusion, même si nous ne pouvons vivre sur notre mère la Terre dans le dénuement matériel total.
Merci