À propos de la rationalité

L’usage de la raison et de la logique

Par définition, la rationalité est ce qui caractérise l’usage de la raison et de la logique. Par extension, être rationnel, c’est privilégier l’analyse et le raisonnement pour appréhender et résoudre les problèmes qui se posent à nous dans la vie quotidienne. Vue sous cet angle, la rationalité est indissociable du mental, de l’intellect. Elle est du domaine de la conscience purement cérébrale et trouve sa pleine expression dans le ternaire thèse, antithèse, synthèse, fondement du « plan dialectique » si cher aux logiciens et, d’une manière générale, aux scientifiques.

La science

D’une manière générale, la rationalité est le propre de la science. Il est un fait qu’elle privilégie la raison et la logique, et qu’elle s’emploie à rationaliser ses expérimentations, ses calculs et ses extrapolations. C’est ce qui explique pourquoi on a le sentiment que la science est infaillible et qu’elle constitue la meilleure voie pour connaître la vérité dans tel ou tel domaine. En réalité, elle est sujette à l’erreur, car l’intelligence cérébrale, et par là même l’analyse et le raisonnement, sont faillibles. Par ailleurs, dans leur obsession à vouloir tout expliquer et tout maîtriser, les scientifiques ont tendance à ne se donner aucune limite. Autrement dit, ils “pèchent” souvent par orgueil et manquent de sagesse.

Le rationalisme

S’il est bien de faire preuve de rationalité dans la vie courante, au sens d’être logique et d’« avoir les pieds sur terre », je pense que le rationalisme est une posture idéologique qui traduit un excès de rationalité. C’est ainsi que les rationalistes “purs et durs” considèrent que seule la raison est fiable et que le monde se limite à ce que nous en percevons au moyen de nos sens objectifs. « Ne croire que ce que l’on voit » est généralement leur devise, de sorte qu’ils sont plutôt athées, voire matérialistes. Souvent, ils se disent « cartésiens ». C’est oublier que Descartes croyait en Dieu et admettait comme une évidence l’existence de l’âme ; il fut même en contact avec les Rose-Croix de l’époque.

La spiritualité

Certes, il est bien d’« avoir les pieds sur terre », mais il ne faut pas négliger pour autant d’« avoir la tête dans le ciel ». À mes yeux, c’est même une exigence. L’idéal est donc de s’employer à être rationnel lorsque les circonstances l’exigent, non sans prendre en considération la dimension spirituelle de l’existence. Cela rappelle l’attitude adoptée par la plupart des philosophes de la Grèce antique, lesquels n’opposaient nullement rationalité et spiritualité. Pour s’en convaincre, il suffit de songer à des penseurs d’exception comme Thalès, Pythagore, Héraclite, Anaxagore, Empédocle, Aristote… Leur contribution à la science et au mysticisme est considérable, à tel point que nous puisons toujours dans leur héritage.

« Conjuguer rationalité et spiritualité »

À une époque beaucoup plus récente, la nécessité de conjuguer rationalité et spiritualité a été parfaitement formulée par Albert Einstein. Il fut un savant particulièrement brillant, mais aussi un mystique dans l’âme. Il déclara d’ailleurs : « L’émotion la plus belle et la plus profonde que nous puissions vivre est celle du sentiment mystique… Le meilleur usage que nous puissions faire de la pensée est l’étude des œuvres du Créateur. » Cette déclaration concorde parfaitement avec l’enseignement et la philosophie de l’Ordre de la Rose-Croix. De lui cette autre déclaration qui mérite d’être méditée : « Le mental intuitif est un don sacré, et le mental rationnel n’est qu’un serviteur fidèle. »

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Cet article a 16 commentaires

  1. bolcato

    Effectivement, il faut savoir conjuguer les deux polarités de notre incarnation, entre ciel et terre !
    Jean Baptiste Willermoz disait : « L’étude sans la prière est un pur athéisme, la prière sans l’étude, une vaine présomption. »

  2. esther meledje

    Il y a des moments dans la vie de chaque être humain où la raison s’achève et doit céder un peu plus de place à l’intuition. Généralement, la pratique de la spiritualité chez les plus cartésien, fait s’allier la rationalité avec le domaine invisible de leur être. Beaucoup de penseurs du passé très connus et célèbres pour avoir versé dans plusieurs domaines dont la science, mais aussi, quelques astrophysiciens actuels très connus admettent et disent le rôle de la part de Dieu dans l’aboutissement de leurs recherches. Cela signifie donc qu’une alliance de l’intuition et de la rationalité ne peut donner naissance qu’à une alchimie spirituelle de haut niveau. Là se trouve le « miracle » de Dieu, le génie. Merci ! (esther melèdje)

  3. Smaragdus

    Bonsoir,
    J’aime beaucoup la dernière phrase de votre post. La fulgurance du trait de génie que notre mental comprend instantanément et qui coiffe souvent au poteau des heures et des heures de réflexion méthodique, logique… mais stérile. L’intuition est comme un papillon. C’est une grâce fragile, irisée, palpitante et précieuse… pour peu que nous ne cherchions pas à la chasser d’un revers de main.

  4. Anne-Marie K

    Il me semble que la rationalité et la spiritualité sont les deux faces d’une même médaille tout comme l’esprit et le cœur le sont.
    Au fait, le rationalisme est issu de la perception du monde phénoménal de la réalité apparente et donc relative en tant que réalité solide et intrinsèque, régie par les lois de causalité, ce qui fut le cas jusqu’au 19ième siècle. À partir du 20ième siècle, avec l’émergence de la physique de la relativité, de la relativité restreinte et de la physique quantique (qui forment à mon humble avis les deux faces d’une même médaille et peuvent donc être harmonisées), le rationalisme ne suffit plus pour étudier et analyser les phénomènes de ces réalités et leurs nature ultime.

    Je pense qu’il est important de réunir et d’harmoniser la rationalité et la spiritualité afin d’obtenir les meilleurs solutions pour toute étude, recherche ou expérience. Il est un fait que la science exige en premier lieu l’application de la rationalité afin d’assurer un haut degré d’objectivité et une meilleure compréhension dans le domaine théorique de ses études et de ses analyses. Mais l’intellect a effectivement ses limites et peut faire des erreurs. Quant à la spiritualité, elle peut ouvrir de nouvelles voies, aller plus loin, montrer d’autres méthodes et directions à suivre, envoyer l’intellect dans d’autres dimensions de pensée et débloquer l’esprit. Particulièrement la contemplation et la méditation s’avèrent être des outils précieux. Toutefois elle exige une conscience ouverte, prête à explorer l’inhabituel pourquoi pas aussi l’insolite, prête à capter l’inspiration, à s’ouvrir à l’intuition et aux sources encore peu ou pas connues.

    Avec l’émergence de la physique quantique, la découverte que les phénomènes sont interdépendants et que notre conscience est intimement liée à la réalité dans toutes ses facettes et dans son ensemble, la rationalité comme vecteur ou outil d’étude ne suffit plus. Une autre approche issue de la spiritualité s’avère être nécessaire et un soutien important.
    Déjà Einstein appliquait l’expérience intérieure, qui est donc différente de l’expérience classique de la physique du passé.

    Cordialement

  5. FLAYEUX Joël

    « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (Rabelais). L’âme, ce mystère, que la science n’aime pas.

  6. Patrick

    La raison et la logique permet d’atteindre des concepts intéressants dans de nombreux domaines de l’activité humaine, notamment dans les sciences, et exercent les capacités cognitives du cerveau.
    Mais une société ou un individu qui se dirigerait à l’exclusion de tout autre faculté se transformerait en société ou en individu sans « âme ».
    L’intuition et l’inspiration qui sont à l’opposé de la raison apportent des réalisations merveilleuses dans l’art, la créativité, les découvertes… que ne peut avoir l’usage seul de la rationalité.

  7. FLAYEUX Joël

    Merci Monsieur Toussaint pour votre ouverture d’esprit.
    En leur temps, les empiristes et les rationalistes ont ouvert le débat.
    Thomas Pesquet, il y a peu, nous a tous instruits sur l’apesanteur.
    À bon entendeur salut !

  8. louise f.

    « Je crains le jour où la technologie dépassera l’homme. Le monde aura une génération de parfaits imbéciles. » « Je crois en une vie après la mort tout simplement parce que l’énergie ne peut pas mourir, elle circule, se transforme et ne s’arrête jamais. » Ce grand homme Einstein a su par son intuition sacrée dépasser et de beaucoup les hommes de science contemporains. Comme vous l’écrivez M. Toussaint : « Thalès, Pythagore, Héraclite, Anaxagore, Empédocle, Aristote… n’opposaient nullement rationalité et spiritualité. » Il va de soit que notre être objectif vit dans le monde mental et que notre être spirituel demeure dans l’écrin de notre coeur intuitif. Ces deux aspects de notre être se doivent de vivre en harmonie afin de pouvoir créer de sublimes manifestations de notre âme dans le monde objectif. Nous avons comme devoir sacré dans notre incarnation présente d’unifier, d’épouser harmonieusement notre moi divin à notre moi objectif. C’est lorsque nous aurons atteint cette acceptation que notre intuition reprendra sa place dans l’ordre des choses manifestées et que : « notre mental rationnel redeviendra un serviteur fidèle… » comme le disait si bien Albert Einstein. Merci M. Toussaint pour cet entretien intuitif.

  9. Antoine Achard

    Le rationalisme à excès, en réduisant les phénomènes perceptibles pour qu’ils se conforment aux seules règles de la raison, confine la psyché humaine à cette seule facette rationnelle, à ce seul paradigme, ce seul modèle de référence. Ce modèle peut servir à interpréter de façon réductrice les phénomènes se présentant à la conscience, mais aussi peut ouvrir la porte à l’instauration d’un certain dogmatisme, qu’il soit scientifique, religieux ou philosophique. Toute grille d’analyse, si rationnelle qu’elle puisse être, lorsqu’elle se retrouve pervertie par l’unilatéralisme de la pensée, peut se muer en une grille emprisonnant nos conceptions. C. G. Jung, dans ses écrits à propos des rapports entre l’inconscient et le conscient, a parlé abondamment des dangers liés à l’unilatéralité de la pensée.

    Certes, la clarté mentale résultant de la saine utilisation de la rationalité ne peut être écartée d’un simple revers de la main car ce serait là aussi faire preuve d’unilatéralisme. Cependant c’est cette même clarté, cette même lumière si sécurisante de la raison qui, par l’éblouissement du mental, peut masquer à la conscience de l’homme cette autre Lumière venant de l’intuition. Ainsi, un des effets pervers pouvant être généré par la lumière (ou ténèbres) mentale du rationalisme est de dispenser l’homme de rechercher dans l’autre partie de sa psyché cette Lumière supérieure, cet autre paradigme ouvrant la vie sur l’infini.

    Balzac dans « Louis Lambert » a compris et décrit de façon magistrale cet écueil pouvant se présenter à la psyché humaine, de même que l’ont fait d’autres écrivains-philosophes. Shakespeare (Bacon) n’a t’il pas écrit cette célèbre tirade mise dans la bouche d’Hamlet: « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio (Ô ratio) que n’en a rêvé toute ta philosophie (la philosophie de la raison) ».

  10. pivoine

    S’il est bien d’«avoir les pieds sur terre», il ne faut pas négliger pour autant d’«avoir la tête dans le ciel». A vouloir tout analyser par des équations, le scientifique perd de vue la provenance même de la merveilleuse intelligence qui lui vient du ciel ; il dissèque la fleur pour connaître sa composition, quand il connaîtra les éléments qui la compose au final, il perdra la beauté de la rose.

  11. Isora

    En examinant l’étymologie du terme « rationalité » venant du mot latin « ratio », sens de calcul, mais aussi de mise en ordre, d’organisation, on peut se dire que la rationalité est la caractéristique d’une pensée qui enchaîne ses idées d’une manière consciente, ordonnée et contrôlée pour atteindre un but déterminé, en s’appuyant sur de bonne raisons. D’où ce lien très fort entre rationalité et la logique, partie fondamentale des mathématiques. Son trait caractéristique est le fait que la pensée obéit à des règles strictes garantissant la validité des conclusions auxquelles elle arrive. Cordialement.

  12. Lermite

    Comme l’amour doit être triste et monotone encadré par la raison. Et comme il est exaltant de le laisser jaillir du coeur… sans raison… pour la simple joie de le ressentir et de le partager.

  13. Angélique

    La suite parle d’elle-même quand nous jetons un regard sur la société actuelle, car si je ne me trompe, Einstein rajoutait : « Nous avons crée une société qui honore le serviteur et a oublié le don. ». Ceci m’a souvent interloqué, car le “serviteur” sert et est donc un moyen pour atteindre un but, mais n’est pas un but en soi. Par contre, si nous nions ce don, qu’en est-il de notre intuition qui est un guide primordial et qui nous est “donné”. Ne nions-nous pas en quelque sorte notre “Être” ?

    Cela implique sans doute que le rationalisme renferme la recherche dans des limites, mais coupe aussi l’être de la créativité qui est en soi et qui permet de déplacer des limites et de regarder par-dessus les horizons ; de mieux comprendre l’humanité et l’univers. Le mental nous servira pour mieux expliquer ce que notre intuition perçoit, ainsi que de vérifier ces perceptions. Est-ce que le piège n’est pas là ? A vouloir expliquer, ne tombons-nous pas dans le besoin de démontrer et de prouver ? Jusqu’où ? Jusqu’à en oublier ce don primaire et sacré, l’intuition ?

    Quel est donc ce besoin de devoir prouver, ou dirais-je se prouver, se convaincre ? Qu’est-ce que le rationalisme fuit ? L’inconnu ? La confrontation à ses propres limites ? Pourtant, tôt ou tard il y fera face. De même, l’intuitif n’a pas à fuir le rationalisme, son mental est un bon serviteur à condition de lui soumettre les fonctions adéquates ou de les développer ! Voici un petit exercice d’équilibrisme.

  14. Pax Vobiscum

    Le mental intuitif ne peut errer, contrairement au mental rationnel, puisqu’il tire son origine dans l’Intelligence divine. Il nous arrive en effet de regretter de ne pas avoir suivi notre intuition quand notre cœur nous soufflait une chose et que notre tête nous indiquait une autre.

  15. esther melèdje

    Je corrobore ce très intéressant écrit du Grand Maître en affirmant que c’est la rationalité qui nous distingue nous, êtres humains, des animaux. Le texte dit que seule la logique ne suffit pas pour une meilleure appréhension des situations. Certes, nous avons d’un côté nos choix et d’un autre une alliée puissante qui est notre intuition. Avec la spiritualité, nous essayons de “dompter” l’intuition, appelée « instinct » chez les animaux, une chose que nous avions à l’origine et que nous avons perdue…

  16. CLEMENT-BAYARD Thierry

    Merci infiniment, cher Serge Toussaint, pour ces propos toujours oh combien profonds, qui élèvent l’âme et dilatent l’esprit. Merci.

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