Appel à la fraternité

APPEL À LA FRATERNITÉ

De Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix

« Fraternité » : combien de fois ce mot a-t-il été écrit et prononcé au cours de l’Histoire, toutes langues et dialectes confondus ? Nul ne peut répondre à cette question. Mais ce qui est certain, c’est qu’il est depuis toujours porteur d’un idéal intemporel et universel. Malheureusement, des millénaires se sont écoulés depuis que cet idéal a germé dans la conscience humaine, et chacun est à même de constater que les relations entre les individus, les peuples et les nations sont encore très loin d’être véritablement fraternelles. Pourtant, c’est dans la fraternité que réside l’espoir d’un monde heureux et apaisé.

Un manque de fraternité

Au-delà des apparences, je pense que le monde actuel est, sinon plus fraternel, du moins davantage épris de fraternité que dans les siècles passés, à l’exception peut-être des années 1960 à 1970, décennie qui fut marquée dans le monde entier par une aspiration à la fraternité. Depuis cet élan porté par une jeunesse qui était également en quête de liberté et d’égalité, la société a malheureusement dérivé vers un matérialisme excessif qui l’a rendue de plus en plus individualiste, et donc moins encline à favoriser les relations fraternelles entre les citoyens. Cela étant, il “suffit” qu’une catastrophe naturelle ou autre événement tragique se produise dans telle région ou tel pays pour constater un élan de solidarité envers les victimes. S’il en est ainsi, c’est parce que l’empathie et la compassion font partie de la nature humaine et ne demandent qu’à s’exprimer.

Si vous admettez que l’aspiration à la fraternité fait partie de la nature humaine, comment expliquer qu’elle soit encore si absente dans les relations entre individus ? Je pense que c’est parce que la plupart des êtres humains agissent sous l’impulsion de leur ego, de leur « moi je », de sorte qu’ils ont tendance à privilégier leur intérêt propre ou celui de leurs proches, parfois au détriment de celui d’autrui. C’est aussi parce qu’ils sont enclins à penser que leur manière de vivre, leurs croyances religieuses, leurs opinions politiques et, d’une manière générale, leur vision du monde, sont meilleures que celles des autres. Dès lors, ils répriment l’esprit de fraternité qui est pourtant en eux et expriment ce qu’il y a de moins noble dans la nature humaine : l’intolérance, la malveillance, la violence et, dans le pire des cas, la haine.

Au regard des explications précédentes, chacun comprendra que si nous voulons que la fraternité règne un jour sur Terre, nous n’avons pas d’autre choix que de travailler sur nous-mêmes et d’éveiller ces vertus que sont la tolérance, la bienveillance, la non-violence et, bien sûr, l’amour. Il s’agit finalement, non seulement de ne pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas qu’ils nous fassent en termes de mal, mais également de leur faire ce que nous voudrions qu’ils nous fassent en termes de bien. Une telle chose est difficile à réaliser, précisément en raison de notre ego, lequel, aussi longtemps qu’il n’est pas maîtrisé, et même sublimé, tend à se distinguer des autres et à s’opposer à eux. Le meilleur moyen d’y parvenir est de considérer autrui comme une extension de nous-mêmes et de cultiver en nous l’idée que tous les êtres humains sont effectivement des frères et sœurs.

Sur le plan biologique, il ne fait aucun doute que tous les êtres humains ont le même génome, c’est-à-dire le même patrimoine génétique. Par ailleurs, le sang qui coule dans leurs veines est fondamentalement le même. En fait, les différences qui existent entre eux au regard de la science concernent l’apparence, notamment la couleur de peau et la morphologie. Sur ce point, il est un fait qu’un Africain, un Européen et un Asiatique n’ont pas le même “type”. Le nier dénote un manque d’objectivité qui dessert la fraternité, car celle-ci, précisément, est fondée sur l’acceptation des différences. Au risque de vous étonner, je pense que le racisme ne consiste pas à admettre qu’il existe différentes races (noire, banche et jaune selon certains anthropologues), mais à considérer que l’une d’elles est supérieure aux autres. Le mieux, pour éviter toute polémique, est néanmoins de considérer qu’il n’existe qu’une seule race : la race humaine, qui ne fait qu’un avec l’espèce humaine.

L’humanité : une fraternité biologique et spirituelle

Une raison plus spirituelle devrait nous inciter à entretenir des relations fraternelles : nous possédons tous une âme, laquelle est une émanation de l’Âme universelle, cette Âme qui imprègne tout l’univers depuis qu’il est venu à l’existence, il y a environ 13,8 milliards d’années. Dans l’absolu, nous avons la même origine cosmique et sommes donc des âmes sœurs. Mieux encore, nous avons la même destinée : évoluer spirituellement jusqu’à atteindre l’état de Sagesse et réintégrer en toute conscience et définitivement le monde spirituel. Dès lors que l’on admet cela, on comprend que l’humanité constitue une fraternité, non seulement biologique, mais également spirituelle. J’ajouterai qu’aussi longtemps que les êtres humains ignoreront ce principe fondamental ou s’y opposeront, ils ne parviendront pas à vivre des relations fraternelles.

Est-il nécessaire d’être spiritualiste pour faire preuve de fraternité dans ses jugements et dans son comportement ? Non ; il “suffit” d’être humaniste, c’est-à-dire d’avoir foi en l’homme et dans son aptitude à se transcender pour exprimer le meilleur de lui-même dans ses relations avec autrui. Cela dit, lorsque l’on admet que tous les êtres humains sont des âmes sœurs qui évoluent graduellement vers l’état de Sagesse et que c’est là leur destinée commune, il devient encore plus évident qu’ils doivent apprendre à entretenir des relations fraternelles et à coopérer, y compris dans les aspects les plus matériels de l’existence. Vue sous cet angle, la spiritualité (et pas nécessairement la religiosité) est un vecteur de paix et d’harmonie entre les citoyens d’un même pays et ceux de pays différents.

Est-il utopique de penser que l’humanité vivra un jour en fraternité ? Si l’on en juge d’après la situation actuelle du monde, c’est effectivement une vue de l’esprit, tant il est divisé. En ce qui me concerne, j’entretiens néanmoins l’idée qu’une telle chose est possible. Pourquoi ? Parce que cela existe au sein de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix. Depuis toujours, il est ouvert aux hommes et aux femmes, sans distinction de race, de nationalité, de culture, de religion, de classe sociale ou de tout autre élément apparemment distinctif. Si c’est possible dans l’A.M.O.R.C., pourquoi cela ne le serait-il pas entre tous les citoyens du monde ? En fait, le maître-mot dans ce domaine, ou plutôt la maîtresse-vertu, est la tolérance et son corollaire : le respect mutuel. C’est pourquoi l’éveil de cette vertu devrait être une priorité dans l’éducation des enfants et des adolescents, tant dans le milieu familial que scolaire.

Nous ouvrir aux autres…

Indépendamment de ses effets économiques, que beaucoup déplorent, la mondialisation a provoqué un mélange des races, des peuples, des cultures et des religions. En ce qui me concerne, je pense que c’est une bonne chose, car cela va dans le sens de l’Histoire et oblige les êtres humains, sinon à s’aimer les uns les autres, du moins à se respecter et même à s’apprécier. Ainsi, la société a évolué de telle manière que de plus en plus de personnes sont mises en présence ou en relation avec des « étrangers », au sens étymologique du terme, à savoir « qui est d’un autre pays, d’une autre nation, d’une autre culture ». Plutôt que de nous montrer méfiants à leur égard ou de les rejeter a priori, il faut au contraire nous ouvrir à eux et les voir comme des membres de la fraternité humaine, comme nous le sommes nous-mêmes. Dans l’absolu, nous aurions pu être eux, et ils auraient pu être nous…

De nos jours, un autre élément favorise la fraternité entre les êtres humains : les voyages. Se rendre dans d’autres pays et les visiter nous met en contact avec leur population et nous familiarise avec leurs mœurs, leurs particularités, leurs difficultés, leurs espérances… Un tel contact contribue à rapprocher les peuples et à les rendre moins étrangers les uns aux autres. Certes, faute de moyen ou de disponibilité, toute le monde ne peut pas voyager, mais les télévisions (sans parler d’internet) diffusent désormais des documentaires et autres émissions qui permettent de parcourir virtuellement notre planète, parfois à la rencontre de peuplades insoupçonnées. Certains diront que ces voyages “virtuels” ne valent pas ceux que l’on fait réellement. Au moins ont-ils le mérite d’ouvrir l’esprit de ceux qui les vivent intérieurement.

Comme je l’ai indiqué au début de ce texte, je pense que le monde actuel est davantage épris de fraternité que dans les siècles passés. C’est ainsi que les « appels à la fraternité » se sont multipliés au cours des derniers mois et des dernières années. À cet égard, j’ai bien conscience que celui-ci vient s’ajouter à d’autres, lancés par des associations beaucoup plus connues que l’Ordre de la Rose-Croix et par des personnalités en vue, ce que je ne suis pas et ne prétends pas être. Cela étant, les Rosicruciens ont toujours plaidé en faveur de la fraternité et se sont toujours évertués à donner l’exemple dans ce domaine. Dans le contexte actuel, où malheureusement prédominent encore les guerres, les conflits et les divisions en tous genres, il m’a donc semblé légitime de réaffirmer cet idéal qu’ils ont en commun.

Si vous partagez les idées exprimées dans cet « Appel à la fraternité », je vous invite à le relayer et à prendre vis-à-vis de vous-même l’engagement suivant : « Face à ma conscience, je m’engage à faire mon possible pour être fraternel(le) dans mes jugements et dans mon comportement, et à contribuer ainsi à l’avènement d’un monde heureux et apaisé. »

Avec mes pensées les plus fraternelles.

Serge Toussaint
Grand Maître

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