Appel à la spiritualité

Cela fait maintenant plusieurs décennies que le monde est confronté à une crise touchant quasiment tous les domaines de l’activité humaine. La pandémie causée par la covid 19 n’a fait que la révéler davantage encore et mettre l’humanité face à ses responsabilités. Les causes de cette crise généralisée sont multiples, mais je pense que la principale réside dans le fait que les sociétés modernes sont devenues beaucoup trop matérialistes. Parallèlement, l’athéisme s’est développé de manière exponentielle dans de nombreux pays, de sorte qu’un très (trop) grand nombre de personnes, notamment en Occident, ont perdu toute notion de Transcendance.

Comme en témoigne la situation actuelle, le matérialisme exacerbe ce qu’il y a de moins noble dans la nature humaine, tel le désir de posséder, de dominer, de privilégier ses intérêts personnels, de paroxyser les plaisirs physiques et de paraître. Il donne lieu également à un véritable culte du corps et des apparences en général, ce qui éloigne les individus des valeurs essentielles de l’existence. C’est ainsi que la mode, en matière d’habillement et de “look”, n’a probablement jamais autant exalté l’artificiel et le superficiel. Malheureusement, son influence est de plus en plus grande, de sorte qu’un nombre toujours croissant de personnes, toutes générations confondues, contribuent plus ou moins consciemment à faire du matérialisme une culture.

La “montée” du matérialisme

Indépendamment du fait que l’argent, les possessions matérielles et les apparences conditionnent de nos jours les choix et la manière de vivre d’un très grand nombre d’individus, il est un phénomène qui traduit à lui seul la “montée” du matérialisme, à savoir le transhumanisme. De plus en plus de personnes sont séduites par ce courant de pensée, fondé sur l’idée que tout doit être fait pour que l’être humain devienne quasiment immortel. Dans cette perspective, les transhumanistes plébiscitent l’usage des biotechnologies et de l’intelligence artificielle, afin d’améliorer nos performances physiques et mentales. En règle générale, ils ont en commun d’être matérialistes et athées, et d’avoir peur de la mort.

Précisément, quel lien peut-on faire entre le matérialisme et l’athéisme ? En règle générale, les matérialistes sont athées, alors que les athées ne sont pas nécessairement matérialistes. Nombre d’entre eux étaient même croyants, mais ont perdu la foi suite à des épreuves diverses : disparition d’un être cher, maladie ou accident grave, perte de leurs biens matériels lors d’une catastrophe naturelle, etc. Cela dit, tous n’en sont pas venus pour autant à adopter un mode d’existence purement matérialiste et à rejeter tout questionnement spirituel. Certains d’entre eux ont plutôt opté pour l’agnosticisme, c’est-à-dire pour l’idée selon laquelle il existe sans doute une Transcendance, mais totalement inaccessible à notre conscience et n’exerçant aucune influence sur la destinée humaine.

S’il fallait résumer la différence essentielle qui existe entre un mode d’existence matérialiste et un mode d’existence spiritualiste, je dirais que le premier est fondé plutôt sur l’avoir, et le second plutôt sur l’être. Or, de nos jours, la préoccupation la plus courante de la grande majorité des êtres humains est d’avoir toujours plus. Certes, un trop grand nombre d’entre eux vivent dans des conditions matérielles indignes et ne bénéficient pas du confort auquel ils devraient avoir accès, notamment dans les pays dits sous-développés ou en voie de développement. Il est donc légitime de leur part de vouloir avoir plus et mieux. Mais beaucoup d’autres ayant une vie confortable et ne manquant de rien sont perpétuellement insatisfaits et ne mettent aucune limite à leur désir de posséder, de s’enrichir et de consommer, d’où l’état chaotique du monde.

De mon point de vue, un spiritualiste est plus enclin qu’un matérialiste ou un athée à privilégier l’être à l’avoir. S’il en est ainsi, c’est parce que bien que vivant dans le monde matériel, il admet l’existence en lui d’une dimension spirituelle, d’une âme. Par extension, il admet l’existence hors de lui d’une Transcendance, que les religions assimilent à Dieu. Dès lors, il ressent le besoin de s’éveiller à cette dimension spirituelle et d’établir le contact avec cette Transcendance. Parallèlement, il a le profond sentiment que son bien-être et le bonheur qu’il recherche ne se réduisent pas aux possessions matérielles, aux plaisirs du corps, aux apparences… mais dépendent tout autant si ce n’est plus de sa vie intérieure. De ce fait, tout spiritualiste a tendance à puiser en lui l’essence de ce qui peut le rendre heureux, ce qui n’est pas le cas d’un matérialiste.

« Faire de la spiritualité le fondement de notre existence »

Il me semble évident que si l’humanité poursuit sa conversion au matérialisme, avec tout ce que cela implique en termes de consumérisme, de productivisme, de robotisme, d’atteintes à l’environnement et autres dérives, elle se condamne à disparaître à moyen terme. Il n’y a pas si longtemps, seuls quelques prédicateurs et autres “prophètes de malheur” prédisaient la fin du monde. Aujourd’hui, ce sont des scientifiques qui l’envisagent, notamment en raison du réchauffement climatique, de l’accroissement exponentiel de la (sur) population mondiale, et de la propension des êtres humains à s’entretuer lorsqu’il y va de leur survie individuelle. Il est donc urgent de changer radicalement nos comportements individuels et collectifs, et par là même le sens que nous donnons à l’existence, d’où cet « appel à la spiritualité ».

De nos jours, la spiritualité, au sens large, se diffuse à travers des supports très variés : les grandes religions (Judaïsme, Christianisme, Islam, Hindouisme, Bouddhisme…), les mouvements dits ésotériques (Rose-Croix, Martinisme, Franc-Maçonnerie…), les groupes new age, ainsi que les livres et les sites internet à caractère spiritualiste. A priori, on pourrait en déduire que les personnes qui s’intéressent à la spiritualité sont beaucoup plus nombreuses que celles qui ne lui accordent aucun intérêt. En fait, tel n’est pas le cas, car être Juif, Chrétien, Musulman, Hindouiste, Bouddhiste…, Rose-Croix, Martiniste, Franc-Maçon…, Adepte du New Age…, ne veut pas dire que l’on se comporte comme devrait le faire tout spiritualiste, au sens le plus noble de ce terme. Pour prendre un exemple extrême, un fanatique ou un intégriste religieux est à l’opposé de ce qui est attendu d’une personne ayant fait de la spiritualité le fondement de son existence.

Que faut-il entendre par « être spiritualiste, au sens le plus noble de ce terme ? » Comme je l’ai indiqué précédemment, c’est admettre l’existence de l’âme et de Dieu, quelle que soit la conception que nous en avons. Mais c’est aussi et peut-être surtout travailler sur soi-même pour exprimer le meilleur de la nature humaine, c’est-à-dire ce que l’on nomme couramment « qualités » ou « vertus » : intégrité, humilité, tempérance, détachement, bienveillance, tolérance, non-violence… Vous conviendrez certainement que si tout être humain faisait cet effort, le monde irait infiniment mieux sur tous les plans. En appeler à la spiritualité, c’est donc en appeler à chacun de nous pour qu’il s’évertue à faire preuve de sagesse dans ses jugements et dans son comportement. C’est précisément ce que les Rose-Croix s’efforcent de faire au quotidien, en application de leur enseignement et de leur philosophie.

Le bien vivre ensemble

Depuis quelque temps, on entend couramment parler du « vivre ensemble », ce qui prouve que de nombreuses personnes ont conscience que les relations entre citoyens ne sont pas ce qu’elles devraient être. Mais cette expression est quelque peu évasive, car il est un fait établi que nous vivons ensemble, bon gré mal gré, dans une même région, dans un même pays, sur une même planète. Ce qui importe, c’est de « bien vivre ensemble », c’est-à-dire d’entretenir des relations fraternelles et d’œuvrer conjointement à l’émergence d’un monde fondé sur les plus belles valeurs que nous puissions concevoir, dans l’intérêt de tous et de chacun. Or, je pense sincèrement que cela n’est possible que si l’humanité dans son ensemble se donne une orientation spiritualiste, au sens que j’ai explicité précédemment.

Comme vous l’avez certainement remarqué, aucun chef d’État ou de gouvernement n’a jamais appelé ses concitoyens à avoir une approche spiritualiste plutôt que matérialiste de l’existence. Pourquoi ? Parce qu’il est “politiquement et laïquement corrects” de dire que la croyance ou la non-croyance, l’intérêt que l’on accorde ou non à la spiritualité, correspond à un choix individuel et concerne la sphère privée. Certes ; j’espère néanmoins que le jour viendra où la grande majorité des êtres humains se rendront à l’évidence : si l’humanité veut connaître un bel avenir, elle doit faire de la spiritualité (et pas nécessairement de la religiosité) le fondement de ses choix individuels et collectifs. Cela suppose une prise de conscience généralisée et la volonté de rompre avec le matérialisme et l’individualisme ambiants. Il y va de notre survie…

Si vous êtes spiritualiste, cet appel vous semblera sans doute inopportun, pour ne pas dire inutile. Si vous êtes matérialiste ou athée et en avez pris connaissance par simple curiosité, vous le jugerez probablement sans intérêt. À moins qu’il ait suscité en vous le désir de vous interroger davantage sur vous-même et sur le sens profond de l’existence. Quoi qu’il en soit, la situation actuelle du monde devrait inciter tous les êtres humains à se questionner sur leurs choix de vie individuels et collectifs. Comme indiqué dans l’« Appellatio F.R.C. », Manifeste que l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix a publié en 2014, « le bonheur auquel les êtres humains aspirent plus ou moins consciemment réside dans un équilibre entre le matériel et le spirituel, et non dans l’un à l’exclusion de l’autre ».

Si vous partagez les idées exprimées dans cet « Appel à la spiritualité », je vous invite à le relayer et à prendre vis-à-vis de vous-même l’engagement suivant : « Conscient que la société est devenue trop matérialiste, je m’engage à accorder plus d’importance à l’être qu’à l’avoir, et à donner une orientation spiritualiste à mon existence, dans le respect des croyances et des convictions d’autrui. »

Dans les liens d’une spiritualité éclairée.

Serge Toussaint
Grand Maître

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